L’anti-ethnomusicologie ou l’ethnicité urbaine

Si une comparaison peut être faite entre l’ethnomusicologie naissante du XXe siècle (Bartók, Kodály, Villa-Lobos...) et la timidité des chercheurs d’aujourd’hui, on constate une réticence à se lancer dans la jungle urbaine et ses nouvelles musiques, surtout celles qui explorent des voies différentes de la domination technologique des DJs.

On remarque que la rigueur académique a pris le dessus sur la recherche empirique. Autrement dit, on observe un amalgame entre moralisme et paresse intellectuelle, qui conduit à considérer la musique urbaine de leur propre pays comme une musique pauvre, naïve et sans avenir ; une musique faite par des jeunes, de la musique pop, etc. Certains la jugent corrompue par les intérêts commerciaux, tandis que d'autres estiment qu'elle manque de visibilité sociale.

Cette musique reste hors du champ d’étude de la plupart des musicologues et ethnomusicologues contemporains, plus enclins à travailler sur des « fossiles », des partitions anciennes ou des musiques tribales d’Afrique, idéalement issues de populations qui n’auraient pas encore « mis de jeans » ou découvert l’électricité.

Le risque d’être un pur « ethniste » est de se retrouver, comme dans ce dessin de Gary Larson, face à l’adaptation des peuples au monde « civilisé », au point que ces derniers doivent se cacher pour jouer le jeu de l’authenticité aux yeux des Occidentaux.

De nos jours, cet évitement de « l’improbable et de l’éphémère » va à l’encontre du véritable esprit scientifique, comme si l’esprit d’aventure avait déserté la scène académique, à l’exception des paléontologues. Il semble que l’immersion dans la culture locale ne soit jugée valable que lorsque l’objet d’étude est folklorique, aussi rassurant qu’une musique tribale ou qu’un répertoire ancien.

La question fondamentale est donc de savoir quelle est la véritable musique ethnique, comment la définir et quelles entraves apparaissent insurmontables aux yeux des ethnomusicologues modernes.

Quelques suppositions :
a) Mépris pour la musique urbaine (jugée sans problématique)
b) Impossibilité de cadrer l’objet de recherche dans un laps de temps défini
c) Difficulté à établir une statistique en raison du processus entropique et du volume des nouvelles créations, ce qui nécessiterait de nouveaux modèles méthodologiques
d) Impossibilité de détailler la diversité créative dans un cadre formel en raison des répétitions des schémas harmoniques et de l’adaptation aux modes de diffusion des médias
e) Inversion des pôles de la recherche (« rien n’est plus grand que le plus petit »)